A l’époque de Pierre, le héros de la Vraie Fausse Histoire des Nombres, il semble que la notion de nombre soit déjà bien ancrée dans l’esprit de l’être humain. C’est en effet ce que nous apprennent les archéologues qui ont découvert de très nombreux bâtons de comptage datant de la période allant de 35 000 ans à 20 000 ans avant J.-C.
Dans leur version la plus ancienne et la plus « rudimentaire », ces bâtons sont simplement des objets sur lesquels sont inscrites des séries d’encoches ou d’entailles, dont on comprend aisément la fonction. Qui n’a pas, un jour ou l’autre, tracé des traits pour compter quelque chose ?
L’utilité première de ces bâtons de comptage est donc de compter, de dénombrer, et d’enregistrer un nombre pour en garder la trace, sans encombrer la mémoire. A l’époque, comme aujourd’hui, les occasions de compter sont multiples : on peut compter les jours qui passent et les saisons qui se succèdent, on peut compter le gibier tué au cours d’une chasse ou encore les moutons d’un troupeau pour s’assurer qu’ils sont tous bien rentrés du pâturage.

On peut imaginer sans peine ce qui a conduit nos ancêtres à utiliser ces outils, et donc à écrire les nombres. Au début, tant que les objets manipulés sont peu nombreux, on compte par exemple avec les doigts, les phalanges ou d’autres parties du corps. Puis, quand ces repères anatomiques ne suffisent plus, on en vient, à l’instar de Pierre de Cromagnon, à « écrire » les quantités que l’on dénombre. Peut-être par une sorte d’imitation du geste, on trace un trait pour représenter une unité, comme un doigt levé, deux traits pour deux unités, et ainsi de suite.
On fait des encoches sur différents supports : du bois, des os, de la pierre.
On a retrouvé plusieurs de ces très anciens « bâtons de comptage », principalement en Afrique, le berceau de l’humanité, mais également en Europe. Parmi les plus célèbres, on peut citer les os d’Ishango, découverts dans les années 50 au bord du lac Édouard, dans l’actuelle République Démocratique du Congo, et datés d’il y a environ 20 000 ans, ainsi que l’os de Vestonice, déterré en 1937 en République Tchèque. C’est un os de loup comportant 57 entailles, daté d’il y a 30 000 ans.

Cependant le plus ancien de tous est l’os de Lebombo retrouvé en Afrique, au Swaziland, dans les années 1970. C’est un péroné de babouin sur lequel, il y a plus de 35 000 ans, un homme (ou une femme) a gravé vingt-neuf encoches. Selon certains, il s’agirait d’un calendrier lunaire, spécifiant le nombre de jours d’une lunaison.

Il faut remarquer que c’est la première fois dans l’histoire de l’Humanité que l’on assiste à une représentation « symbolique » d’une réalité : une quantité est symbolisée par une série d’encoches. Dès la préhistoire, l’être humain dessine sur les murs de ses cavernes, il est donc capable de représenter, de schématiser ce qu’il voit. Or, cette première forme de « symbolisation » du réel par les nombres, a joué un rôle capital dans le développement de la pensée, et fut un pas important vers le développement du champ de l’écriture : l’être humain a « écrit » le nombre bien avant la lettre !
Passionnant ! Continue Pierre avec ce genre d’approfondissement.
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Salut Thomas,
super cette page ! J’ai adoré ton récit sur les origines, et j’ignorais même l’existence de l’os de Lebombo. En revenant te lire, je voulais me remémorer comment tu présentes la chose (l’invention des nombres).
D’ailleurs une question : ton texte détaille les bâtons de comptage, mais existe t-il d’autres outils de comptage à une époque aussi ancienne ? Ou est-ce tout le temps des os qui sont utilisés ?
Bon courage pour la suite des aventures de Pierre. A très bientôt. C.
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Merci ! A ma connaissance, toutes les traces de comptage que nous avons provenant d’époques aussi anciennes se réduisent à des juxtapositions d’encoches gravées sur des supports, donc des bâtons de comptages. Ceux qui nous sont parvenus sont effectivement gravés sur des os, mais il se peut que d’autres supports, comme le bois par exemple, aient été utilisés, mais leur nature moins perenne fait qu’ils se sont dégradés au cours du temps et ne nous sont pas parvenus.
Quoiqu’il en soit, les premières traces d’outils de comptage vraiment différents mis au jour par les archéologues sont les « calculi », sortes de jetons d’argiles, qui datent d’une époque bien plus récente, l’époque sumérienne, environ 3000 ans avant J.-C.
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