Les nombres figurés

Si certains ont pu être étonné de voir Pierre investiguer le monde des nombres par l’intermédiaire de petits cailloux en regardant dans quelles dispositions on peut les placer (voir l’épisode 7 de VFHN), d’autres auront reconnu un thème courant des mathématiques. En effet, depuis les premiers savants Grecs, l’étude des nombres figurés a été un sujet de recherche active pendant plus de 2000 ans. De nos jours, bien qu’un peu moins en vogue, ils sont encore l’objet de recherche de nombreux mathématiciens professionnels et amateurs.
On peut imaginer sans trop de risque que ce thème a fait son apparition parce que, dans une certaine mesure,  compter et calculer peut se faire « expérimentalement », grâce à des cailloux, ou des amandes à l’instar des Amandins dans la Vraie Fausse Histoire des Nombres. Des textes attestent d’ailleurs que les Romains faisaient leurs calculs en disposant de petits osselets de pierre, qu’ils appelaient calculi, d’où nous vient le mot « calcul ».

Pour l’instant, Pierre Cromagnon n’y voit aucune utilité pratique, cette nouvelle facette des nombres pique seulement sa curiosité, et introduit en lui le goût des questions purement mathématiques. Chez de nombreux peuples anciens, les Grecs en premier lieu, les nombres sont un sujet de fascination et leurs propriétés sont étudiées sous toutes les coutures. Souvent les nombres ont également une valeur symbolique, et, en la matière, les nombres figurés sont tout à fait particuliers  : ils allient les symboles liés aux nombres à ceux liés aux formes.
epis07-v3-complet-time-0_09_4117Les Grecs, à la suite de Pythagore, tiennent par exemple les nombres carrés (4, 9, 16, etc.) en très haute considération. Ils ont largement étudié aussi les nombres triangulaires et même les nombres pentagonaux (que l’on peut disposer en pentagone régulier).

Bref, les nombres figurés sont parmi les premiers objets mathématiques qui sont étudiés pour eux-mêmes, dans le seul but de comprendre un peu plus notre monde. Depuis longtemps, les mathématiques ne sont donc pas l’apanage des commerçants et d’autres professions, et elles sont reconnues comme étant un moyen efficace pour lever une partie du voile qui couvre notre univers.

Toutefois, même d’un point de vue pratique, l’étude de la forme des nombres peut s’avérer utile. En effet, pour trouver le résultat d’une multiplication, par exemple 4 × 5, on peut disposer des cailloux en 4 lignes de 5 (ou 5 lignes de 4 !), puis compter le nombre de cailloux qui constituent le rectangle ainsi obtenu. C’est ce que Pierre et ses amis découvriront plus tard (épisode 10).
Plus en général, cette disposition en rectangle est liée aux opérations de multiplication et de division. Elle donne des informations sur les propriétés de divisibilité d’un nombre : un nombre peut être partagé en parties égales si il peut être disposé en rectangle. Par opposition à ces nombres « rectangulaires », les nombres que Pierre appelle les nombres « lignes »  sont ceux qui ne peuvent d’aucune façon être disposés en rectangle  : ce sont des nombres « indivisibles », que l’on ne peut pas partager en parties égales. On aura reconnu les fameux nombres premiers, thème d’étude extrêmement actuel, et qui recèlent encore de nombreux mystères importants.
Paradoxalement, c’est sur cette grande ignorance des propriétés de ces nombres premiers que repose l’une de leur utilisation majeure aujourd’hui !
En effet, dans la plupart des moyens cryptographiques existants (par exemple pour échanger des messages codés, ou protéger des transactions), on utilise le fait qu’il est extrêmement difficile de savoir si un grand nombre est premier ou non. En fait, nous ne connaissons pas d’autre moyen que de faire tous les essais de division, ce qui est résulte en une quantité de calculs extrêmement longs à exécuter, même pour nos puissants ordinateurs… En bref, une fois n’est pas coutume, notre « sécurité » est assurée ici par notre ignorance !

C’est dire que le temps où le rêve de Pierre se réalisera est encore bien loin  : nous ne sommes pas près de disposer d’une « formule » permettant de savoir si un nombre est premier ou pas.

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